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FUIR OU MOURIR

L’armée malienne et la milice russe Wagner ensanglantent l’Azawad

samedi 1er juin 2024, par Masin

Depuis des mois dans l’Azawad, pas un jour ne se passe sans que des civils touaregs, arabes ou peuls ne soient assaillis, enlevés, pilonnés par des drones de fabrication turque, tués et brûles par les militaires maliens et leurs supplétifs russes de la milice Wagner. Ces crimes contre l’humanité d’une férocité inouïe se doublent de crimes de droit commun où le goût du sang et le goût du lucre s’entremêlent. La troupe criminelle en effet se conduit comme une vraie mafia en s’emparant des biens de leurs malheureuses victimes.

Trois ans après la prise du pouvoir par un militaire inconnu et ambitieux, le colonel Assimi Goïta, putschiste récidiviste, le Mali a sombré dans une violence d’État inouïe contre les civils, violence que le chef de la junte tente de justifier par un motif fallacieux et un mot politiquement magique : la « lutte anti-terroriste ». Il a lui-même étendu le terme « terroriste » aux mouvements indépendantistes de l’Azawad, signataires de l’Accord d’Alger en 2015 qui aurait dû aboutir à une gestion plus autonome des régions du nord par ses habitants. Accord cependant jamais appliqué par les autorités maliennes. Placés dans le même panier que les jihadistes qu’ils ont affrontés à cause de l’incapacité de l’armée malienne à défendre les populations civiles, les indépendantistes touaregs ont ainsi été criminalisés.
Au final, c’est la population civile de l’Azawad qui se trouve prise au piège dans un étau mortel : d’un côté les groupes jihadistes toujours très actifs – l’EIGS (Etat islamique au Grand Sahara) et le GSIM (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans) – et, de l’autre côté, l’armée malienne et ses supplétifs russes. Tous se livrent à des sévices effroyables et des tueries de civils d’une amplitude et d’une cruauté sans nom.

L’enfer que vit la population du nord ne lui laisse que deux options : fuir ou mourir. Ceux qui n’ont pas les moyens de partir pour rejoindre les camps de réfugiés (celui de Mbéra en Mauritanie enregistre aujourd’hui une affluence record de plus de 200 000 personnes) sont les plus vulnérables. La situation est dramatique et un silence de plomb règne sur ces tueries.
Les témoignages et les photos des sinistrés affluent, s’accumulent et témoignent d’une réalité insupportable et répétitive. Des bébés brûlés, des enfants – beaucoup d’enfants de campements nomades – tués par des drones, des femmes calcinées, des adolescents et des hommes maltraités, enlevés et retrouvés assassinés une balle dans le crâne. Le moindre camp, le moindre village qui a le malheur de se trouver sur la route de ces sinistres patrouilles maliennes de militaires et de miliciens sanguinaires sont systématiquement détruits et brûlés, ses habitants – masculins en priorité – sont tués, les biens volés, les boutiques pillées, les infrastructures (puits, grenier, école, habitats…) et les ressources végétales (pâturages, semences) sont incendiées.
A quoi correspondent ces violences extrêmes exercées par les militaires maliens et les miliciens russes contre les civils vulnérables de l’Azawad ? Pourquoi des exactions aussi monstrueuses qui aboutissent à des scènes inimaginables d’inhumanité, comme les mutilations atroces de cadavres éventrés, mutilés, le sexe et la tête coupés ? Quels sont les cerveaux déréglés qui guident des atrocités aussi abjectes, véritables crimes contre l’humanité en violation de tous les droits humains ?
Parallèlement à l’instauration de ce climat de terreur chez les populations civiles de l’Azawad, d’autres faits attirent l’attention. Au nom du recouvrement de la « souveraineté » nationale, la junte au pouvoir qui a chassé les organismes et les armées occidentales (ONU, France, Etats-Unis...) s’est placée sous la férule d’un nouveau maître : la Russie. Celle-ci est intervenue militairement avec le débarquement de miliciens russes de la troupe Wagner (entre 2000 et 2500 individus selon les sources) qui ont permis à la junte de renforcer et de garantir son pouvoir. Le soutien militaire russe a permis à l’armée malienne d’atteindre la ville de Kidal et de l’occuper en s’attaquant sur la route aux populations civiles touareg, arabe et peule. La junte malienne a obtenu également de la Russie des armes terrestres et aériennes, notamment des drones de fabrication turque dont elle use abondamment et qui font des ravages parmi les civils sans défense.
Quelle est la monnaie d’échange pour cette « aide » russe ? Elle concerne comme toujours les richesses minières. Des partenariats nouveaux ont été noués avec les pourvoyeurs d’aide, d’anciens contrats miniers aux marges peu favorables pour le Mali ont été dénoncés. Mais c’est d’abord pour se prémunir de toute tentative de renversement, véritable priorité de la junte, que le Mali se trouve fortement endetté auprès de la Russie. Il est difficile d’imaginer que la junte dispose d’une grande marge de manœuvre pour négocier avec les forces Wagner qui protègent son pouvoir.
On mesure dans ce contexte la correspondance entre le sang versé des civils de l’Azawad et l’or convoité de leur territoire, où les orpailleurs artisanaux sont systématiquement trucidés par les miliciens russes et les militaires maliens.

Les autorités maliennes de leur côté misent clairement sur l’avenir minier du Mali. Elles ont annoncé l’établissement d’une cartographie aérienne des ressources minières qu’elles souhaitent mettre en exploitation dans un délai très court de 18 mois.
18 mois de tueries pour vider le territoire de tous ses habitants qui revendiquent depuis des décennies leurs droits fonciers ancestraux et leurs droits citoyens ? C’est bien le schéma qui se profile dans les attaques criminelles de la junte et de ses supplétifs.
Depuis sa prise de pouvoir, le chef de la junte, le Colonel Goïta, a beaucoup grossi et semble organiser les affaires de l’État malien pour continuer à « manger » et à prendre du poids dans tous les sens du terme. C’est dans ce but qu’il a décidé de prolonger la « transition » de 5 ans sans élections, qu’il a interdit les partis politiques, les associations, les journalistes susceptibles de le critiquer, qu’il a casé beaucoup des siens dans des postes clés du gouvernement, qu’il souhaite se doter du statut de Général, qu’il a l’intention d’ouvrir le dialogue avec les groupes jihadistes qu’il est bien incapable de combattre bien qu’ils se trouvent aux portes de Bamako. Pour couvrir la mise en place de cette dictature sanglante, la junte a recours à une propagande massive qui renverse la situation et victimise les bourreaux. Jusqu’à quand cette désinformation grossière marchera-t-elle sur une population malmenée ?

Dictature, népotisme, corruption, répression, violation des droits de l’Homme se retrouvent dans la ligne directrice de ce gouvernement, axé comme le précédent sur le profit personnel, au prix de la mort de centaines de civils nomades ou villageois, qui n’ont plus qu’à fuir ou à mourir, dans l’indifférence internationale la plus totale. Ce ne sont pas seulement des vies humaines qui disparaissent, c’est aussi un mode de vie, une culture particulièrement riche, des savoirs et des pratiques, qui ont su préserver et protéger les ressources végétales, hydrauliques, humaines, animales, spirituelles et minérales du désert pour le rendre nourricier.

Hélène Claudot-Hawad.

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L’armée nigérienne s’y met :
Le 28 mai 2024, ce sont des éléments des FDS (Forces de défense et de sécurité) de l’armée nigérienne qui ont froidement exécuté neuf civils (huit Touaregs et un Peul) dans un hameau près de Torodi dans la région de Tillaberi", un acte abjecte qualifié de "barbarie génocidaire" par Alhassane Intinicar, président du PNPD (Parti nigérien pour la paix et le développement / Akal-Kassa) qui s’est rendu auprès des familles endeuillées.
La Rédaction.

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