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Etat nigérien : la chasse aux journalistes est ouverte
mercredi 26 décembre 2007, par
Mamadou Tandja est sur les dents. Depuis qu’il a entamé sa guerre inhumaine contre les Touaregs, il voit des conspirateurs partout. Comme la presse, notamment internationale, n’est pas du tout tendre avec lui, il n’a pas hésité à huiler sa machine judiciaire pour l’écraser. Plusieurs journalistes nigériens et étrangers croupissent toujours en prison. Tous ont été poursuivis pour "intelligence" avec la rébellion touarègue.
Les reporters sont les témoins gênants de l’ethnocide que subissent les civils Kel Tamacheq dans l’Aïr et le pouvoir veut s’en débarrasser à tout prix. Tandja excelle en la matière. Après les reporters locaux, le pouvoir nigérien s’en prend désormais aux professionnels des médias internationaux.
Le 17 décembre, deux reporters de la chaîne thématique française ARTE ont été interpellés à Niamey par la gendarmerie. Les autorités nigériennes leur reprochent d’avoir enfreint à l’interdiction de se rendre dans l’Aïr afin de réaliser un reportage sur les combattants du Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ).
Déférés devant le juge d’instruction le 21 décembre, Thomas Dandois et Pierre Creisson, respectivement journaliste et cameraman de l’agence Camicas Productions, ont été inculpés pour "atteinte à la sûreté de l’Etat".
Ce chef d’inculpation extrêmement lourd est disproportionné au regard de ce qui leur a été reproché par la "justice", souligne Reporters sans frontières (RSF) dans un communiqué. La peine maximale prévue pour ce chef d’inculpation est la peine de mort. Les deux journalistes sont toujours incarcérés au camp pénal de Kollo (20 km de Niamey). Selon RSF, Ils sont détenus avec leur chauffeur, Al Hassane Abdourahmann, inculpé quant à lui de "complicité d’atteinte à la sûreté de l’Etat".
Le pays touareg de l’Aïr est, en effet, strictement interdit aux journalistes depuis l’instauration, en août dernier, de "l’état de siège" qui procure des pouvoirs étendus aux militaires dans la zone. Cet "état de siège" a été prorogé de trois mois fin novembre par le président nigérien.
Les deux reporters français ont ainsi rejoint à l’ombre deux autres journalistes incarcérés au Niger pour conspiration avec la rébellion. En effet, l’un d’eux, Moussa Kaka, directeur de la Radio Saraouniya et correspondant au Niger de Radio France Internationale (RFI) et RSF a été interpellé le 20 septembre et inculpé de "complicité de complot contre l’autorité de l’Etat". Niamey avait accusé le journaliste de "connivence" avec le MNJ. Kaka avait, en effet, réalisé plusieurs interviews exclusives de l’un des leaders du mouvement armé en guerre contre le pouvoir dictatorial de Tandja. Moussa Kaka risque la prison à vie s’il est reconnu coupable.
Le 9 octobre, trois semaines après l’arrestation de Moussa Kaka, Ibrahim Manzo Diallo, directeur de publication du bimensuel privé Aïr Info, publié à Agadez, a été interpellé pour sa part à l’aéroport de Niamey alors qu’il s’apprêtait à embarquer pour la France.
Diallo a été transféré par la suite à Agadez où il a été interrogé par la police sur ses liens présumés avec le MNJ. Il a été inculpé "d’association de malfaiteurs".
Daouda Yacouba, un correspondant du journal Aïr Info à Ingall (à l’ouest d’Agadez) a été pour sa part appréhendé le 25 octobre à son domicile avant d’être libéré le 31 octobre 2007. Le journaliste a été interrogé sur ses articles et ses liens avec le MNJ.
Toujours en relation avec le conflit touareg, les ONG, Amnesty International et Human Rights Watch (HRW) ont dénoncé un "nombre croissant d’exécutions extrajudiciaires de civils par l’armée" dans l’Aïr.
Amnesty cite le cas de quatre civils tués à Tchintébizguint. "Des éléments des forces armées se sont emparés de ces personnes dont les corps ont été retrouvés cinq jours plus tard dans une fosse commune. Selon les témoins qui ont vu les cadavres, les corps portaient des traces de balles au cœur, au front et à l’oreille", écrit l’ONG dans son communiqué.
Amnesty évoque également la mort de sept civils, dont deux commerçants, tués le 9 décembre toujours dans la région d’Agadez. L’armée de Tandja a reconnu qu’il s’agissait d’une "bavure".
Pour sa part Human Rights Watch a affirmé dans un communiqué daté du 19 décembre avoir des "preuves de violations des lois de la guerre par des soldats de l’armée, dont des exécutions extra-judiciaires, des viols, et la destruction de bétail".
Lhoussain Azergui
(Avec RSF et Amnesty International)