Accueil > Débats > Tribune libre > La ligne rouge du débat sur la Kabylie.

La ligne rouge du débat sur la Kabylie.

par SID-LAKHDAR Boumédiene

mercredi 18 août 2004, par Masin

Un insidieux débat a émergé ces temps-ci dans la presse à propos du fantasme récurent sur l’évangélisation en Kabylie. Si l’argument est connu depuis toujours pour être l’un des épouvantails les plus efficaces pour éviter de résoudre la fracture nationale, c’est néanmoins dans sa forme nouvelle qu’il m’intrigue.


*
* *



Ce débat, ces propos, je les redoutais car tant que la fracture nationale était le fait d’un pouvoir aveugle, il y avait encore un espoir car ce dernier ne peut être éternel. Il est à craindre que le basculement vers une idéologie menée par des intellectuels soit autrement plus difficile à freiner. Lorsque la force brutale laisse place momentanément à la parole de personnes qui manient le verbe et l’analyse pour en arriver aux mêmes conclusions, la situation est dangereuse.


Ces appels au loup au motif qu’ils fustigent un désir d’évangélisation de la Kabylie sont aujourd’hui clairement étalés dans la presse à travers une polémique malsaine qui prend corps avec ceux qui camouflent leur esprit sectaire par une analyse historique et intellectuelle aux tournures bien rédigées et maîtrisées. C’est en cela qu’ils sont les plus pervers car ils avancent masqués avec le semblant de sérieux et de respectabilité morale que ne suffit plus à apporter au débat le monde politique asphyxié ou discrédité.


J’aurais aimé que la construction intellectuelle soit présente avec force au moment où il fallait donner de la voix et de la plume pour dénoncer l’intolérable sort réservé à la culture berbère de notre pays. J’aurais aimé que ces personnes se manifestent avec autant de fougue lorsqu’il s’était agi de dénoncer l’intolérable, c’est-à-dire le reniement du droit élémentaire que confère un patrimoine culturel hérité, indiscutable et intangible.


Franchement ! A-t-on idée, en de pareils moments, déjà assez pénibles, de penser que la christianisation est le problème qui hante les jours de ces millions de compatriotes berbérophones qui souffrent doublement puisqu’ils ont à supporter les mêmes fléaux que l’ensemble de la communauté nationale et en plus subir l’humiliation de toujours justifier leur culture et leur langue ? Est-ce qu’à l’heure actuelle nos compatriotes sont pris d’un mouvement irréversible de conversion au point qu’il faille en arriver à ce débat stupide ?


Faire peur et heurter la corde sensible des masses est certainement le moyen le plus éculé pour en arriver à justifier une politique d’ostracisme et de violence à l’égard de ceux qui sont malmenés et méprisés au motif qu’ils osent prétendre à une différence, à un droit.


Après tout, même si cela avait une réalité, je serai personnellement tenté de dire, et alors ? Que m’importe la confession ou la couleur de peau de mon compatriote (c’est dire à quel point je ne me pose même pas la question de la différence linguistique). Mais le problème n’est même pas ce que j’en pense sur le fond, encore faut-il qu’il y ait une réalité suffisamment convaincante sur le terrain. Le débat n’a pas lieu d’être sur un fantasme, surtout dans un moment où il faut calmer les tensions et les amertumes à propos de la Kabylie.


Nous savons tous que la colère et la confrontation à un mur politique peut conduire des organisations ou des individus à utiliser des arguments qui ont pour objectif de blesser ou de fâcher le pouvoir qui leur fait face. Ici ou là, on entend effectivement des propos et on constate des appels à tourner radicalement le dos à l’influence arabo-islamique. En plus d’être très minoritaire, fallait-il encore donner à ces personnes les raisons de croire qu’ils ont toute leur place dans une nation qui ne les mépriserait pas et ne les rejetterait vers d’autres horizons. Ces horizons nouveaux, qu’ils y croient ou seraient-ils seulement l’expression d’un défi, l’important est de comprendre pourquoi on en est arrivé à cette situation.


Il est urgent de revenir à la seule réalité à laquelle notre pays doit faire face. Et cette réalité nous commande de commencer enfin à réfléchir sur la désastreuse attitude de vouloir décider de ce qui est bon ou mauvais pour nos compatriotes. Leur droit à faire vivre une culture et une langue, qui sont algériennes, ne peut et ne doit faire l’objet d’aucune contestation et d’aucun débat.


Accusés hier d’être Juifs, catholiques aujourd’hui, quand cessera-t-on de jouer avec cette dangereuse absurdité ?



<br

SID-LAKHDAR Boumédiene,
Enseignant.




Lire d’autres articles du même auteur :

 “Négocier” n’est pas “aimer”
 Nous sommes également des éradicateurs, M. Ouyahia !
 5 juillet...
 Mohammed Samraoui : “Chronique d’un repenti, fonctionnaire du crime
 “Les amis de mes amis sont mes ennemis” slon Benchicou
 Mascarade élecorale algérienne : les urnes du mépris
 8 avril - 20 avril : deux dates, une rupture

Messages

  • jsuis berbero-chretien de longue date,et me suis vu carrement isolé incomprehensif de notre societe car vivant tjrs chez nous ! le malheur est que qd g à rechercher mes semblables je n en trouve encore ps et sa me desole.
    oui, j en suis très convaincu d l inexistence double à savoir chretien et berbere en meme temps...

  • apres la diffusion du documentaire sur la chaine franco-allemande "ARTE", il y a beaucoup d’ancre versé pour villipender ces jeunes un peu differents de la tendance generale, qui, elle se recalme dans la foi musulmane, quoiqu’aussi les visions restent neanmoins diverses allant des partisans de l’aphganisation de l’algerie jusqu’aux plus moderés et c’est ceux là qui arrivent heureusement a faire lma differnce, par ailleurs le but de ma reponse n’est pas du tout de destinguer untel de untel car la problematique me semble-t-il se pose de la maniere suivante : A quand la foi deviendra une affaire privée relaint la personne a dieu sans intermidiaire aucune ?
    la veritable religion de l’afrique du nord ancienne personne ne la connaissait, d’apres G.H Bousquet, aucun chercheur ne peut definir exactement la religion premitive de la berberie tant leur histoire remonte a des années tres lointaines, en revanche, ce qui semble certain c’est que ces polpulations de l’afrique du nord avaient un ensemble de cultes notamment des forces de la nature pour obtenir par exemple plus de productivités et de la fertilité des terres.
    il vient ensuite la civilisation romao-chretienne, qui, en apportant un certain progrés patent dans le domaine agricole, les populations locales avaient donné une place importante a l’Eglise comme signe de reconnaissance aux romains.
    vient ensuite la periode d’islamisation de l’afrique du nord qui commença en 642 dont les tentatives echouerent, et du coup les inquisiteurs se donnerent a une razia sur les cotes tunisiennes, c’est seulemnt en 645 que l’épee est venue au bout de la resistance berbere, cette siruetion s’exacerba au 12eme siecle avec l’invasion hilalienne.
    les berberes n’avaient jamais ouvert leurs bras a accueillir l’islam comme une foi de conviction mais parfois c’est pour faire alliance avec ces musulamns afin de repousser les espagnols et les portuais au 16eme siecle.Toutefois il faut avouer que la mentalité des conquerants arabes avait plus d’affenité avec celle des berberes qui n’en avait eu avec les chretiens romains.
    en guise de conclusion ; il me semble qu’actuallement aucune religion ne peut s’approprier une place exlusive tant la berberie a vecu plusieurs conquetes et chacune de ces invasions essayait d’imposer sa croyance, toutefois est ce que cela doit demeurer jusqu’a nos jours ? la reponse est sans doute non, parce que la foi est independante de tous les rapports humains, c’est pour ça que si une partie de la jeunesse kabyle opte pour le chrestianisme ;elle n’a aucun compte a rendre a personne.

  • une seule et unique question...ne pensez-vous pas que la culture amazigh est une culture vouee a la mort, sinon comment expliquer toute cette hargne a vouloir revendiquer une identite condamnee a etre phagocytee par de grands ensembles ...serait-ce la resistance du desespoir ? Les amazighs seraient-ils donc refrataires a toutes assimilations ou bien serait-ce le refus a vouloir devenir partie integrante a un ensemble arabo-musulman ..pourtant l’assimilation de cette ethnie dans certains pays europeens est totale.....