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"Les amis de mes amis sont mes ennemis" selon Mohamed Benchicou.

A propos de "Boutef... : une imposture algérienne"...

dimanche 7 mars 2004, par Masin

Mohamed Benchicou vient de publier un livre sur Bouteflika. Ce dernier comme l’auteur du livre sont issus de la même culture ; celle de l’ancien parti unique, le FLN.
Le lecteur averti comprendrait facilement que derrière le duel Benchicou-Boutef... se cache une lutte entre deux clans au sein du système algérien.
Notre collaborateur et ami, fin connaisseur de la question du pouvoir en Algérie, revient non seulement sur Bouefilka mais surtout sur l’auteur du livre qui est loin d’être un saint.
Comme dit l’expression kabyle : Rewlegh i bu yeblad’en, h’es’legh di bu yeslad’en ! (Fuir les pierres pour se retrouver au milieu des roches).



"Les amis de mes amis sont mes ennemis" selon Mohamed Benchicou.


par SID-LAKHDAR Boumédiene (*)
pour Tamazgha.fr

Après Nezzar, Samraoui et autres Khalida Messaoudi par le passé, voilà Benchicou. Décidément, il y a du monde dans l’édition dans laquelle on se bouscule pour s’épancher en révélations et en humeurs pour dénoncer le petit camarade. Que de papier pour nous dire ce que nous savions et combien est vain la tentative de celui qui balance pour nous convaincre de son honorabilité.

Le lecteur se reportera à l’article sur Mohammed Samraoui pour déduire ce que l’on pense de telles révélations. Nous ne les réitérons pas sinon pour préciser que les griefs, s’ils sont du même ordre, ne relèvent cependant pas de la même qualification du personnage.

Un livre qui dénonce une des personnalités clés de la responsabilité du désastre algérien ne peut être combattu en tant que tel. Cependant trop de citoyens sont morts ou sont dans le dénuement pour que nous puissions aujourd’hui nous laisser avoir par tous ceux qui s’épanchent en pseudo révélations tardives et crient au complot contre la démocratie. Eux qui, hier encore, ont été les alliés gouvernementaux d’un régime militaire qu’ils dénoncent.

L’exercice réitéré de ces derniers mois nous amène à la plus grande vigilance et à l’esprit critique du point de vue de l’analyse de la crédibilité de l’auteur et de l’intérêt du témoignage.

Du point de vue de la crédibilité de l’auteur ...

Par souci d’objectivité nous mettrons de côté l’attitude de ce monsieur qui nous a jetés aux loups lors du coup d’Etat militaire des législatives de 1991. Sa véhémence à nous pourfendre et son zèle sans nuance à nous vilipender dans la presse (et donc à nous faire prendre tous les risques) seront à jamais gravés dans nos mémoires.

Nous nous abstiendrons également de rappeler nos anciennes interrogations sur la facilité qu’ont eue ces gens à obtenir les fonds et les autorisations pour créer des organes de presse à une époque où les militants démocrates avaient à peine les moyens (et l’autorisation) de publier un petit fascicule politique et de survivre financièrement.

Nous nous maintiendrons par conséquent à la seule conduite du rappel objectif d’un fait : Monsieur Benchicou a été l’un des alliés les plus immodérés des éradicateurs qui ont appelé à la "majorité présidentielle" avec un "Colonel- Président" puis qui ont rejoint le gouvernement de Bouteflika. Et cela n’est qu’un résumé.

A la lumière de cette seule vérité, toute déclaration de quiconque ayant participé à une telle connivence est entachée d’un discrédit absolu. C’est tout de même étonnant d’être obligé de le rappeler pour justifier notre doute sur ce personnage qui passe aujourd’hui pour le martyr de la démocratie.

C’est d’ailleurs étrange comme la sémantique a été utilisée pendant des années dans le quotidien de M. Benchicou comme expédiant à une volonté à se dissimuler une vérité pourtant criante. C’est ainsi que Benchicou a milité avec ses amis politiques avec une rage obsessionnelle pour éviter le terme de "coup d’Etat militaire" pour les élections législatives et le remplacer par la formule "interruption du processus électoral".

Mais la variation sémantique est aussitôt renversée lorsqu’elle lui est utile : "Le Président Bouteflika redeviendra putschiste quand il lui fallait assurer la stratégie électorale du candidat Bouteflika. L’homme redeviendra, en effet, à ses premières passions dès que fut établi le refus du FLN et de l’armée [1] de lui apporter leur soutien pour un second mandat à partir de 2004. Il ne lui restait à s’incruster au pouvoir que par la force."

Nous rappelerons enfin, et c’est pas le moindre des faits, le soutien à une certaine Khalida Messaoudi qui est aujourd’hui la pasionaria la plus zélée du régime militaire et de Bouteflika. Il faut relire les colonnes du quotidien Le Matin pour s’apercevoir de la gêne immense de la rédaction lorsque cette femme a définitivement montré son vrai visage. Khalida Messaoudi qui, d’ailleurs, vient d’appeler à une collecte pour sauver le quotidien de ses anciens amis. C’est dire combien tout ce beau monde nous prend pour des imbéciles !

Il était utile de redire certaines vérités dans une atmosphère générale d’amnésie à l’heure où ce monsieur vient crier à l’attentat contre "les valeurs de la démocratie".

Ses amis politiques très intimes ont participé avec clarté à un gouvernement qui faisait de la liberté de la presse, des droits de l’homme et de l’affaire de la Kabylie le dernier de ses soucis. Monsieur Benchicou avait choisi son camp et ses amis en toute indépendance, qu’il assume !

Du point de vue de l’utilité du livre...

Ce livre, comme les autres, vient tardivement nous expliquer l’horrible personnage et l’affreux régime que certains ont payé de leur vie depuis des décennies pour l’avoir compris avant M. Benchicou. Est-ce pour autant utile comme nous l’avons conclu pour le livre de Mohammed Samraoui ?

Truffé de références tirées de la presse (comme preuves, il y a mieux !), Benchicou avoue lui-même : "Parce qu’il se situe dans ce débat, bouillonnant, sur la nature du système et sur l’urgence d’en finir, ce livre s’interdit toute prétention à l’opinion définitive. Il n’est qu’un regard, parmi d’autres, sur nos impasses. Il attend d’être complété, contredit ou appuyé par d’autres enquêtes sur cette inauthenticité qu’on se plaît à nous infliger."
Non seulement le livre tardif de Benchicou ne nous apprend rien mais il est de plus, du point de vue du témoignage devant une éventuelle cour de justice, frappé d’une nullité autant juridique que par sa tentative de légitimation. Le livre de Benchicou est donc un livre d’humeur bien tardif, rédigé pour des raisons rancunières et personnelles, qui n’apportent au combat difficile des démocrates aucun soutien de nature à les réconforter.

Bien tardif et très opportuniste puisque Benchicou sait l’adversaire en difficulté : "A l’heure où s’imprime ce livre, le 15 janvier 2004, Abdellaziz Bouteflika, privé du soutien de l’armée et des principales forces politiques du pays [2] , n’a toujours pas annoncé son intention pour postuler à un second mandat...."
D’autres ont pris le risque dans des moments bien plus compromettant en publiant et en accusant directement le pouvoir militaire comme ce fut le cas des journalistes de La Nation qui a été suspendu et dont la principale responsable fut obligée de fuir. [3]

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M. Benchicou a aujourd’hui les pires ennuis avec les amis de ses amis. Les démocrates que nous sommes ont toujours fait la part des choses et maintenu leur soutien à la liberté de la presse lorsqu’elle était menacée y compris pour ceux dont nous n’avons pas partagé les opinions éditoriales. Certains d’entre nous ont publiquement manifesté leur témoignage de sympathie envers cette presse qui reste malgré tout un espoir qu’il faut défendre. [4]

Cependant, M. Benchicou restera l’exception car depuis le coup d’état militaire, sa position a basculé de celle de journaliste à celle de protagoniste du conflit politique. Il restera celui qui a porté le plus haut et le plus fort la contestation envers les démocrates au profit de ses amis, membres du gouvernement Bouteflika.

Que chacun se positionne en son âme et conscience. La fermeture programmée du quotidien Le Matin est en tout cas une affaire "entre les loups". Qu’ils s’entredéchirent sans nous.



(*) Enseignant.


[1Cette fois-ci, il évite de parler de soutiens politiques (car cela soulèverait le problème de ses amis) comme il le formulera dans d’autres passages.

[2Dont ses amis politiques, ce que Benchicou a décidément du mal à se souvenir lorsqu’il faut la rigueur du compte rendu historique.

[3Primée par le prix Sakharov du Parlement européen, on sait que ce genre de prix est accordé autant pour la gratification de l’action que pour l’éventuelle protection qu’il peut fournir face à un régime meurtrier. Que M. Benchicou ne se plaigne pas de fermeture de son quotidien pour des raisons fiscales et en un temps bien moins dangereux.

[4L’auteur de cette opinion a lui-même défendu publiquement cette presse lorsqu’elle a été menacée : La presse : entre liberté et responsabilité. Le Quotidien d’Oran, 17 août 2000.
Prison pour ceux qui s’expriment, honte à ceux qui se taisent... (Affaire Belhouchet). El Watan, 2000. La presse, notre seule chance de salut. El Watan, 18 avril 2001. Des mots interdits dans le royaume des "maux" (Maroc). La Une, Liberté, juin 2003.

Messages

  • Vraiment très belle analyse encore une fois de Sid Lakhdar.
    Les oranais peuvent être fiers de l’ avoir parmi eux !
    En ce qui concerne la presse dite indépendante algérienne, il ne reste plus que les quelques moutons qui paturent les sachets noirs d’el harrach ou les sites comiques du net pour penser qu’elle est libre. Je defie n’importe quel democrate dans l’ ame et riche qui plus est d’ ouvrir un canard dans ce pays sans ( excusez moi l’ expression) enlever sa culotte devant tel ou tel général actif ou en "retraite" représentant tel ou tel clan !

    La pire immondices, qui est comme une pustule, dans ce pays est sans conteste la "dépêche de kabylie" ou carrément âpres nous avoir dèsinformé des mois durant avec son torchon papier et ses relais virtuels, plaide carrément pour la réélection du plus dangereux mytho que l ’Algérie ait connu !

  • monsieur l’enseignant lakhdar je vous salue.
    je suis sur que vous viviez à l’étarnger comme hocine ait ahmed lorsque l’algerie a failli sombré dans l’obscurentisme islamiste sinon je prend acte que vous islamiste terroriste donc lache et assassin,sinon comment ne pas applaudir le coup d’état militaire de 1991 je m’en réclame !!
    je ne suis pas là pour défendre benchicou car parfois il m’arrive de ne pas aimer les positions de benchicou même si ses écrits me touche droit dans le coeur lorsqu’il s’agit d’être contre l’usurpateur bouteflika si le qualificatif sonne mal à votre oreille ça voudra dire que vous êtes nés à oujda d’un pére inconnu ou plus grave vous êtes carrement étranger à ce pays et son peuple martyr.
    tous ceux qui sont contre bouteflika je les approuve même s’il s’agit de l’armée ,je peux assimiler un islamiste pour être contre ce grand usurpateur,avec les francophiles les étrangers mais pas les arabes.
    il faut que chaque algerienne et chaque algerien assume ses résponsabilités pour éviter au pays le clivage que des hommes comme Abdelhak Benhammouda ,Said Sadi et BOUDIAF nous ont épargné en janvier 1991.mon cher ami et collegue san egidio est fini et le pays est toujours debout grâce à benchicou,laalam,sas,mustapha hammouche.

    • A propos d’el Watan et de Benichou liberateur, voici un extrait d’un entretien avec l’historien algerien Mohamed Harbi

       Quelles sont les valeurs mais aussi les perspectives et projets politiques portés par les manifestant(e)s (Kabyles) ?

      "-Il faut bien voir qu’il n’y a pas de forces en dehors des partis porteurs de projets démocratiques. Le quotidien algérien El Watan m’a posé quasiment la même question dans un entretien qu’ils ont eu récemment avec moi. En revanche, ils se sont bien gardé de publier ma réponse, ce qui me renforce dans l’idée de tentative d’instrumentalisation de la contestation actuelle par les classes dominantes."

    • quand je lis ce commentaire , je me dis qu il y a du boulot , énormément !!!!!!!!!!!

      merci mr sid lakhdar pour votre finesse de l analyse

  • Ayant décortiqué le livre de Benchicou, un véritable "brûlot" contre Bouteflika, j’ai pu ainsi, et bien avant, me réconforter à l’idée de positionner les intentions politiciennes de ce nouvel antagoniste du système et...ardent défenseur de la démocratie ! Comment peut-on être contre Bouteflika en personne et non contre TOUT le système qui a enfanté toute cette vermine, Benchicou y compris ?
    Benchicou ne porte pas dans son coeur, les islamistes, tous les islamistes même modérés ! Pour lui, un bon islamiste, c’est ou derrière les barreaux ou...mort ! Benchicou, à l’instar d’un Belaid Abdeslam s’est réveillé tardivement, bien tardivement...
    Nous savons tous que le pouvoir en place, c’est un peu comme l’équipe nationale de football...c’est une affaire de quotas ! Le gouvernement est soit à l’Ouest, soit à l’Est ou carrément un véritable kaléidoscope régional ! Le FIS a eu, malgré les nombreuses infiltrations, l’insigne honneur, d’accuser ouvertement la mafia en place et tous ses laquais dissimulés, dans les rouages de l’etat ! Et, advint que pourra ! Ali Belhadj a eu le courage de dire ce qu’il pensait de ces assassins...que TOUS encensaient post-mortem ! Ces pseudos démocrates pensent que les islamistes font leur jeu en combattant leur ennemi du jour !
    Ainsi, ils bouffent avec le loup et pleurent avec le berger...
    Ils seront un jour, jetés dans la poubelle du mépris et seront assurément jugés par la conscience collective du peuple algérien qui les tient en aversion...Je n’ai jamais porté dans mon coeur, les critiques acerbes du Matin vis à vis de tout ce qui est arabe ou musulman...un journal qui portait en lui les germes de la zizanie, de la division et du malheur, ne mérite pas, d’exister...non ! Monsieur Benchicou, vous vous êtes trompé d’époque !

    Petite question d’éthique :

    Où vit monsieur Benchicou actuellement ?

    Moi, j’habite en Algérie...

    Pour une Algérie plurielle, Une et Indivisible...